LES FLEURS DU BIEN

(mais aussi, ce que j’avais envie d’appeler Totem sans tabou)

 

A première vue, sur les toiles de Rugiada Cadoni, des fleurs... Des couleurs vives, complémentaires,

Une certaine joie, une certaine naïveté, une certaine fraicheur...

Psychédéliques, on les croirait peintes sous l’emprise de LSD, à moins que nous ne soyons nous-mêmes « défoncés » « stoned »...?

mais ce que je vois dans ces dernières toiles, toujours aussi colorées et vivantes, en regard de la performance de Rugiada, c’est l’aspect schizophrénique de cette oeuvre double . La femme au foyer, Rugy Pop, alter ego de l’artiste, son double voire sa version opposée, face à la femme libre de toute contrainte, arborant le diadème de la statue de la liberté. La dualité de la femme libre et de la cage, celle de la performance provocante et des toiles et des dessins de fleurs supposées ingénues...

La peinture de Rugiada Cadoni, associée à ses performances , vise à élever notre conscience et mettre en relation tous les aspects de notre être : physique, mental et énergie, cette énergie vitale qui se trouve en chacun de nous. Elle rassemble son propre potentiel créatif, par le biais d’une ouverture sur elle-même et au monde qui nous permet à notre tour de rejoindre ce que nous sommes et ce que nous vivons.

Éveiller et activer cette énergie nous permet de devenir des êtres humains plus conscients, sensibles et autonomes. L’oeuvre de Rugiada a cette fonction libératrice. Elle a cet effet de nous inciter à activer notre propre écoute de nous-mêmes. Par son action, elle nous « contamine », en forçant notre regard .

Cette « technique », en réalité des techniques multiples, parfois intense et subtile va permettre une meilleure circulation de l'énergie apportant un équilibre physique et mental, une clarté d'esprit et par la pratique une plus grande sagesse intérieure. Rugiada performeuse, se met en scène, certes, pour signifier ce qu’elle a intuitivement saisi et pour nous le relayer. Sa recherche tourne autour, essentiellement, de la liberté.

L'accent est mis sur l'expérience et non uniquement sur le savoir théorique. C’est dans l’expérience concrète qu’il est possible de se découvrir.

Les dernières toiles de Rugiada, celles présentées en Sardaigne comme celles présentées au YIA, et ses derniers dessins nous font immanquablement penser à certains symboles des cultures folkloriques sud américaines, ces totems hurlant vers le ciel, mais aussi protecteurs.

Le totem de Rugiada Cadoni ,une peinture symbolique mais comme une sculpture verticale, est cette fleur mythique à laquelle nous pouvons nous référer comme à une divinité protectrice.

La femme libre est protégée par ces fleurs jaillissantes au coeur comme un visage bienveillant, (Rugiada dit d’ailleurs de ses fleurs qu’elles sont des personnes) mais aussi comme une icône , et quelquefois par l’iris, l’oeil , celui qui nous scrute, mais aussi celui qui protège, dans d’autres traditions. Ces fleurs, enfantines, ou faussement enfantines, nous évoquent aussi les moulins à vent qu’on offre aux enfants, ou les manèges étourdissants...

Ces fleurs qui me regardent et qui m’interrogent , je sens qu’elles me protègent aussi.

Pourquoi ces fleurs aux 7 pétales...? Née en 77, Rugiada revendique ce chiffre comme celui des 7 pointes du diadème de la Statue de la Liberté, les 7 couleurs de l’Arc en Ciel, et dit-elle, nous avons 7 chakra .

Ces fleurs du Bien, contiennent un message secret qui se livre du bout des lèvres, car il est bien entendu que ces fleurs parlent ...

Minutieusement dessinées, lentement, avec soin, comme des gouttelettes de rosée, ou des colliers de perles enroulés, ces fleurs entortillent nos émotions.

Et la géométrie des fonds rayés ou quadrillés, colorés, la précision dentellière du dessin des fleurs, nous renvoient à quelque image mystique en forme de vitrail par des effets de couleurs et de transparences

Dualité intime, immense besoin de liberté, immense besoin de protection. L’artiste et ses démons, dont le prénom Rugiada signifie la rosée en italien, quand on entend aussi la rage...

 

Florence Bellaiche octobre 2019